Offert par Les Affaires
Édition du 02 Avril 2016
PAR ANNE-MARIE TREMBLAY
Novom Networks a vu le jour en 2012
Le chemin de la croissance est ponctué par des étapes incontournables. Cette série présente des cas d’entreprises qui les ont traversées avec succès. Cette semaine : le défi de trouver son premier local.
Quand il a fondé sa première entreprise technologique en 2005, Claude Caron était le seul maître à bord. «Disons qu’il fallait vraiment y croire, car la réalité n’avait aucune dorure !» Dans ses locaux, il y avait des seaux pour recueillir l’eau qui coulait du toit et des trappes à souris. «Et ce n’était pas pour décorer. Le bruit nous indiquait parfois que l’une d’entre elles avait goûté au fromage», lance-t-il avec humour.
Pour réussir, il faut réunir ce qu’il nomme de façon colorée les trois F : le fun, le foin et la foi. «Quand tu commences, le F de la foi doit être gigantesque !» raconte celui qui, en plus d’être entrepreneur, enseigne aussi la géomatique d’affaires à l’Université de Sherbrooke.
C’est faute de moyens financiers que la start-up s’est retrouvée dans un immeuble laissé vacant dans le parc industriel de Sherbrooke. Le propriétaire de l’immeuble lui avait offert de s’y installer gratuitement pendant un an. Une étape qui a permis à Claude Caron de conquérir ses premiers clients et de développer ses services de géodétection «intelligente», qui jumellent géolocalisation et intelligence d’affaires.
Pignon sur rue dans un parc industriel
Une année de transition où le président a pu jeter les bases de nXstream Technologies, première entreprise qu’il fondera en 2005, et de Novom Networks, qui a vu le jour en 2012.
«On avait zéro budget, donc il fallait faire flèche de tout bois. On se disait que, si on pouvait avoir une adresse qui n’était pas celle d’une maison privée, avoir pignon sur rue dans le parc industriel donnerait du coffre à l’entreprise, car elle était excessivement petite», raconte-t-il. C’était également l’occasion d’avoir une salle de conférence pour recevoir les clients, un lieu qui confère plus de sérieux à l’affaire qu’une rencontre au café du coin.
Si ce prêt a été un tremplin pour Claude Caron, cela peut aussi être un piège, avertit Nathalye Laliberté, conseillère aux entreprises au Centre d’aide aux entreprises Haute-Montérégie (CAEHM). «Souvent, les jeunes entrepreneurs s’installent dans des taudis industriels pour réduire leur facture. On sait qu’ils se battent continuellement pour survivre, mais le choix de l’endroit est crucial.»
S’établir dans des locaux miteux mine sa crédibilité auprès des visiteurs, que ce soit le banquier, un mentor ou un futur client.
La conseillère juge que l’environnement influence le développement des entreprises. «On finit par ressembler un peu à nos locaux. Si on est installés dans le quatrième sous-sol d’un immeuble à côté des chaudières, cela peut faire chuter notre motivation.»
Une réalité qui n’a pas touché Claude Caron : même si les lieux ne payaient pas de mine, le stationnement et plusieurs parties de l’immeuble, comme la réception et la salle de conférence, étaient corrects. Du moins assez pour rencontrer des clients sans rougir ; un élément très important, soutient Édouard Bonaldo, directeur général du CAEHM. Car, bien qu’on n’ait pas deux chances de faire bonne impression, on n’a pas besoin non plus d’en jeter avec des bureaux luxueux. «Il vaut mieux rechercher des locaux simples, propres et conviviaux, et qui répondent à nos besoins», dit-il.
La solitude a pesé lourd sur les épaules de Claude Caron, même s’il s’est bien adapté au lieu, un immeuble destiné à accueillir plusieurs employés. «Quand tu arrives le matin, tu es seul à ouvrir la porte. Tu désactives le système d’alarme, tu t’assois derrière ton ordinateur et c’est le silence complet. Je me disais : « Je passe la journée ici et j’ai une entreprise à développer. Mon produit n’est pas encore bien défini, mais je sais que je vais réussir ». Ça prend une foi inébranlable.»
D’où l’importance d’être bien accompagné, ajoute celui qui bénéficiait du soutien de l’incubateur qui existait à l’époque à l’Université de Sherbrooke.
Un avis partagé par Édouard Bonaldo, qui conseille de s’entourer pour mener à bien ses démarches, que ce soit pour louer son premier bureau ou s’initier à la comptabilité et aux aspects juridiques d’une PME. «Il faut mettre son orgueil de côté et ne pas hésiter à cogner à la porte des organismes qui offrent leurs services, gratuitement ou à moindre coût.» Il cite en exemple les Sociétés d’aide au développement des collectivités (SADC), les Centres d’aide aux entreprises (CAE), les anciens centres locaux de développement qui prennent différentes formes aujourd’hui, les Corporations de développement économique communautaire (CDEC) ou les chambres de commerce.
Malgré les embûches, Claude Caron ne regrette pas ses choix. Au contraire, cette année de transition lui a permis de solidifier son entreprise. «Nous avons décroché un contrat qui nous a donné l’occasion de déménager. On savait aussi que le propriétaire allait reprendre le local sous peu. On n’avait donc pas le choix !»
De Sherbrooke à Magog
Après un an, Novom Networks a déménagé rue Wellington, à Sherbrooke, dans un local qu’elle a occupé jusqu’en 2014. En plus d’être abordable, celui-ci était suffisamment spacieux pour que l’entreprise puisse envisager d’agrandir. En outre, ce bureau projetait l’image d’une start-up solide, ayant le vent dans les voiles. Une décision qui n’a pas été prise à la légère. «Quand on accepte de signer un bail, on fait un saut dans le vide. On s’engage à payer davantage chaque mois, de sorte qu’on a la tête sur le billot et qu’on doit travailler plus fort pour décrocher des contrats. On est un peu condamné au succès.»
Cela lui a permis de bâtir son entreprise à petits pas, plutôt que d’appuyer à fond sur l’accélérateur en injectant des capitaux de risque. «On s’est développé sur le mode appelé bootstrapping, selon lequel chaque contrat nous permet d’engranger un peu d’argent et d’améliorer notre environnement. Ensuite, on signe un autre contrat et, progressivement, on fait grossir la boule de neige.» Un rythme qui, s’il est plus lent, permet d’adapter son produit en fonction des besoins de ses clients et d’affiner ses services au fil du temps.
En 2014, Novom Networks a élu domicile à Magog, dans un pôle regroupant plusieurs entreprises technologiques. Un milieu qui procure certains avantages, dont une intéressante visibilité. La PME emploie aujourd’hui 12 personnes – l’effectif devrait grimper à 15 employés d’ici l’été – et a su conquérir plusieurs clients, comme Evenko et le Zoo de Granby.