Anne-Marie Tremblay
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«Ce n’est pas parce que nous sommes une petite entreprise que les meilleures idées ne viendront pas de nous!» lance Claude Caron, professeur à l’Université de Sherbrooke (UdeS) et président de Novom Networks. La dernière idée en lice de cette entreprise de 12 employés? Faire parler les données relatives aux mouvements des clients dans un magasin ou des participants lors d’un événement.
«On est capables d’analyser chaque petit pas pour comprendre les comportements des visiteurs, savoir ce qu’ils aiment ou ce qui les irrite.»
Cette science a d’abord été développée au sein de l’UdeS, en collaboration avec la Chaire en géomatique d’affaires, lancée en 2006. «Nous étions précurseurs dans le domaine et nous nous sommes rendu compte que les projets développés étaient intéressants pour l’industrie», se rappelle Claude Caron. En 2012, le projet de Novom Networks est sorti de l’Accélérateur de création d’entreprises technologiques de l’UdeS.
La PME a mis en place de puissants outils de collecte, mais surtout d’analyse de données. «Nous mélangeons toutes sortes de technologies pour créer un contexte de big data, explique Claude Caron. Ensuite, grâce aux technologies d’intelligence d’affaires, comme des indicateurs de performance, des tableaux de bord dynamiques, des entrepôts de données, nous faisons parler ces informations.»
Par exemple, l’été dernier, l’entreprise a travaillé de concert avec un grand festival de Montréal. «Nous pouvions suivre 26 000 personnes, ce qui nous a permis de recueillir de 250 à 300 points de déplacement chaque seconde, précise-t-il.»
Il a été possible de tirer des observations très pratiques de cette mer de coordonnées géographiques. Combien de personnes étaient sur le site, le samedi à 19 h? Quel était Je temps d’attente moyen aux toilettes? Quels étaient les endroits où les déplacements étaient le plus difficiles? «Ces outils permettent aux organisateurs d’événements d’améliorer leur performance», affirme le président.
Un portrait précis des clients
Novom Networks pousse l’exercice d’analyse un cran plus loin. «Nous combinons des données qui, a priori, n’ont pas été conçues pour être analysées ensemble, et nous en tirons une description très précise du comportement des clients», soutient Claude Caron.
Par exemple, le code postal du client, qui donne un aperçu de son profil socioéconomique, est associé à ses déplacements dans les allées d’une boutique, à la fréquence de ses achats, etc. Grâce à la technologie développée par l’entreprise de Magog, il devient donc possible de segmenter la clientèle de façon plus rigoureuse qu’avec les données habituellement disponibles, – affirme le président. Est-ce un client régulier? Reste-t-il longtemps chez le marchand? Fait-il le tour complet du magasin ou achète-t-il seulement un article rapidement? Ou, dans le cas d’un événement: est-il arrivé là par hasard ou est-ce un inconditionnel qui se serait rendu sur place, beau temps, mauvais temps? Cette technologie donne notamment la possibilité de mesurer le degré d’attachement à une marque.
« On est capables d’analyser chaque petit pas pour comprendre les comportements des visiteurs. »– Claude Caron, président de Novom Networks
Ces données permettent aussi de développer des offres ultra-personnalisées, selon les habitudes d’achat du consommateur, et des programmes de récompenses sur mesure. «Le fait de connaître l’emplacement exact où se trouvent les visiteurs permet d’aller plus loin.»
Ainsi, un client situé dans une zone bien précise pourra recevoir des offres qui lui sont destinées, par exemple un rabais quand il passe près d’un café. «Pendant un festival, une alerte était envoyée aux participants lorsque la pile de leur téléphone cellulaire descendait sous la barre des 10 %. Le message leur indiquait où se trouvait la borne de recharge la plus près.»
Si ces données constituent une mine d’or pour offrir du marketing ciblé, c’est aussi un outil puissant qu’il faut manipuler avec soin. Pour l’entreprise, l’éthique est un point d’honneur. «Quand on utilise des données, c’est au grand jour. Les clients doivent donc télécharger une application ou une extension à un site Internet et accepter ensuite d’être localisés et de recevoir des notifications.»
Savoir oser
Après trois ans d’existence, les affaires vont bon train pour Novom Networks, qui compte plusieurs clients au Québec et aux États-Unis. Un résultat qui n’a pas été facile à atteindre, alors que le territoire était non seulement à conquérir … mais aussi à défricher. «En même temps qu’on inventait un nouveau produit, il fallait aussi créer notre propre marché», précise Claude Caron.
Mais le terrain ne restera pas inoccupé encore longtemps, prévoit le président de Novom. C’est pourquoi l’entreprise s’assure d’avoir constamment un coup d’avance. «Nous travaillons déjà sur ce que nous vendrons demain.»