Photo : La Tribune, Jean-François Gagnon

Publier le 7 août 2017

Le patrimoine virtuel mérite plus d’attention, estiment deux experts

MAGOG – Pour la plupart des gens, le patrimoine d’une personne se limite à ses biens matériels et monétaires. Mais la révolution technologique en cours a fait apparaître une nouvelle notion, celle du patrimoine numérique. Avez-vous pensé à ce qu’il adviendra de vos photos, vos comptes de réseaux sociaux ou de jeux en ligne et autres éléments semblables une fois que vous serez décédé? Regard sur des enjeux émergents.

« La notion de patrimoine numérique est assez nouvelle, reconnaît d’entrée de jeu le notaire Bertrand Salvas, qui enseigne à l’Université de Sherbrooke. Avant, internet était pas mal récréatif, mais aujourd’hui il sert à plus de choses, ce qui crée de nouvelles situations. C’est d’autant plus vrai que les gens foncent dans la techno sans réaliser les enjeux. »

À la mort d’une personne, les quelques-unes de ses pratiques ces dernières années, cela afin de s’adapter aux exigences du public. Le tentaculaire réseau social a notamment accepté d’autoriser ses abonnés à nommer une personne pour les représenter auprès de lui, advenant leur décès.

Si l’attitude de Facebook peut parfois sembler discutable, Bertrand Salvas admet que des enjeux légaux se cachent derrière son comportement en cas de décès d’un abonné. « L’entreprise craint de remettre les choses demandées à la mauvaise personne et d’être ensuite poursuivie à cause de son erreur. »

«Les différents sites qui stockent vos données ne les détruiront pas nécessairement à votre mort. Par exemple, Facebook fait une fortune grâce aux données de ses abonnés, alors il ne fait rien disparaître. »

– Bertrand Salvas, notaire et enseignant à l’Université de Sherbrooke

Pour faire face aux enjeux légaux reliés à ces questions, les États du monde entier s’organisent tranquillement. L’adoption de lois offrant un meilleur encadrement est ainsi envisagée en sol canadien.

« Ça prendrait des dispositions générales pour l’après-décès qui s’appliqueraient aux compagnies comme Facebook. Plus tout se pas­sera sur internet et plus on aura besoin  d’encadrement  », estime M.Salvas, qui a participé aux activités d’un comité de réflexion pan canadien sur ce type de question.

PRÉFÉRABLE DE PRÉVOIR

Président de l’entreprise Rinzinzin à Magog, Gary Denault connaît bien les enjeux liés au patrimoine numérique, puisqu’il s’y intéresse depuis plus de 10 ans. Il sait fort bien que certains médias sociaux ont par le passé fait preuve d’intransigeance devant des demandes spécifiques de familles en lien avec la gestion de données numériques d’un proche décédé.

Il a d’ailleurs conçu une conférence où il incite son auditoire à réfléchir à la question du patrimoine numérique et à poser des gestes concrets pour éviter des situations désagréables.

« De nos jours, il y a deux appareils numériques par personne, note M. Denault. Et l’un de ces appareils, parfois, est caché dans un tiroir. Les données contenues dans chacun d’eux ont soit une valeur monnayable ou alors émotive. »

D’après une étude que cite le président de Rinzinzin, chaque citoyen posséderait en moyenne 35 000 $ en biens numériques de toutes sortes. Bien sûr, les photos ou les vidéos stockées sur une tablette ou un téléphone intelligent, par exemple, n’ont pas toutes une grande valeur monétaire, mais plusieurs d’entre elles méritent certainement d’être conservées même après le décès de leur auteur.

Pour cette raison, Gary Denault soutient que chaque personne devrait sélectionner à l’avance les éléments qu’elle désire conserver pour ne pas obliger ses proches à éplucher toutes ses photos, ses vidéos et autres possessions numériques après sa mort.

« On a tellement de photos et de vidéos, notamment, que personne ne voudra passer à travers tout ce qu’on a au lendemain de notre décès. On suggère donc aux gens de prendre un moment, chaque année ou aux deux ans, pour choisir les choses qui ont une signification pour eux et monter un inventaire », explique M. Denault.

Celui-ci invite également les détenteurs de documents numériques à informer leurs proches de leurs volontés en lien avec leurs diverses possessions virtuelles.

« Donner nos instructions avant notre mort est une bonne idée. Évidemment, il faut s’assurer qu’un proche aura accès à nos mots de passe pour accéder à tous les contenus et que nos documents soient dans des formats lisibles. »

Bertrand Salvas ajoute qu’il est habituellement pertinent de conserver des copies de nos fichiers sur un support externe, ce qui permet d’être moins dépendant des fournisseurs de services. « Mais ce type de précaution est devenue une vertu. Des gens ont parfois seulement une tablette et stockent plein de choses sur les réseaux sociaux », remarque-t-il.